AUTEUR
TAO YONG
Né à Nanjing, Jiangsu en 1970, Tao Yong a appris le français successivement à l’École des Langues étrangères de Nanjing et à l’Université des Langues étrangères de Beijing. Ayant obtenu son diplôme, il était engagé dans le commerce extérieur à l’Afrique, et résidait longtemps au Sénégal, en Algérie, au Togo, au Bénin, au Mali et au Nigeria. Il vit depuis 2008 à Vancouver, Colombie-Britannique, Canada.
Depuis qu'il était étudiant, Tao s’intéresse à la politique internationale, à l’économie internationale et aux affaires géopolitiques de l’espace francophone. Depuis 2003, il a travaillé successivement en tant que chroniqueur, commentateur et rédacteur en chef sous le pseudonyme de « Tao Duanfang », pour Lianhe Zaobao (Singapour), Ming Pao et Asia Weekly (Hong Kong), Canadian Chinese Radio et Global Chinese Press (Canada) et de nombreux médias chinois. D’ailleurs, il est connu pour ses études sur l’histoire de la Chine, en particulier sur l’histoire du royaume céleste de la Grande Paix. Il était sous la direction de l’historien M. Luo Ergang et a publié une dizaine de livres connexes.
Tao est actuellement :
Conseilleur général, Global Chinese Press, Canada
Chercheur, l’Institut de développement régional et urbain de l’École de politique publique et de gestion, l’Université de Tsinghua
Chercheur, Centre de recherche sur le développement régional, l’Institut de la région du Yangtze delta, l’Université de Tsinghua, Zhejiang
Chercheur vétéran, Grandview Institution
I. Fissures dans les relations américano-européennes pendant la présidence de Trump
1. Des doutes sur l’engagement de « défense mutuelle » de l’article 5 au niveau politique et militaire
Le président Donald Trump avait déclaré à plusieurs reprises que l’OTAN était « obsolète », arguant que la « défense mutuelle » au titre de l’article 5 du traité de l’OTAN faisait en réalité reposer les États membres européens de l’OTAN sur la protection fournie par les États-Unis ; ainsi les États-Unis « ont été mis à profit ». Il a tenté d’utiliser « les dépenses de 2 % du PIB pour la défense comme critère pour déterminer si les États-Unis continueraient de se conformer à l’article 5 », et plus tard, il a même essayé d’augmenter ce seuil à 4 % du PIB.
2. Unilatéralisme, mercantilisme et approche « transactionnelle » au niveau économique
Donald Trump a fondamentalement remis en question et même nié le sens et la valeur de la mondialisation et de la liberté commerciale, définissant le système commercial mondial comme « profondément défectueux, obsolète et déséquilibré ». Depuis son entrée en fonction, il avait poussé de manière proactive les États-Unis à se retirer du cadre commercial international existant ou forcé les cadres à être révisés à plusieurs reprises pour « mieux servir les intérêts américains ».1 En conséquence, il avait retiré les États-Unis de l’Accord de partenariat transpacifique (TPP) et a modifié l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Il avait gravement entravé le fonctionnement normal de l’OMC et retardé le processus du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) entre les États-Unis et l’UE.
En raison du creusement du déficit commercial des États-Unis avec l’Europe (169 milliards de dollars en 2018, en hausse de 11,8 % par rapport à 2017 et de 77,1 % par rapport à 2008), il a eu recours à ’la section 301 du US Trade Act de 1974 et à ’la section 232 du Trade Expansion Act de 1962’ pour imposer des barrières tarifaires et non tarifaires sur les produits européens exportés vers les États-Unis, en commençant le 1er juin 2018 par l’imposition de droits de douane de 25 % et de 10 % sur les produits en acier et en aluminium de l’UE, ce qui a déclenché la guerre commerciale entre l’Europe et les États-Unis.2
Il a élevé la question du déficit commercial au niveau de la « sécurité nationale », politisant le différend commercial américano-européen, tandis que la partie européenne estimait que Trump « ne voit que l’excédent de l’UE dans le commerce des marchandises, mais ignore l’énorme excédent américain dans les services et d’autres secteurs ».3
3. Les retraits et menaces de retrait des cadres de coopération internationale bouleversent l’Europe
Une série de retraits de Trump, notamment de l’Accord de Paris sur le changement climatique (Accord de Paris), de l’Accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) (c’est-à-dire du Plan d’action global commun) et de l’UNESCO, son lancement du processus du retrait de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au milieu de la pandémie de COVID-19, et ses préjugés en faveur de l’ancien gouvernement Benjamin Netanyahu sur la question israélo-palestinienne, avaient tous fortement divergé et contrasté avec la position de l’UE.
4. Le plus grand héritage de l’administration Trump est la méfiance de l’UE dans la fiabilité des États-Unis en tant qu’allié
« L’imprévisibilité de ses politiques et la logique de l’« Amérique d’abord » ont ébranlé l’ordre mondial de l’après-Seconde Guerre mondiale et provoqué une rupture dans les relations entre les alliés occidentaux, c’est-à-dire entre l’Europe et les États-Unis. »4
5. « Mais il n’est pas approprié d’exagérer l’impact de la soi-disant « fente Trump » sur les relations américano-européennes »
Malgré ses commentaires irresponsables, Trump, en tant que président américain, avait souligné à plusieurs reprises la « relation spéciale » entre les États-Unis et l’Europe. Par exemple, dans la Stratégie de Sécurité Nationale (NSS) des États-Unis fin 2017, il a réaffirmé l’engagement des États-Unis envers l’Europe, soulignant qu’« une Europe forte et libre est d’une importance vitale pour les États-Unis. Nous sommes liés par notre engagement commun aux principes de la démocratie, de la liberté individuelle et de l’État de droit [...]. Les États-Unis sont plus en sécurité lorsque l’Europe est prospère et stable et peuvent aider à défendre nos intérêts et idéaux communs. Les États-Unis restent fermement attachés à nos alliés et partenaires. L’alliance de l’OTAN entre nations libres et souveraines est l’un de nos grands avantages par rapport à nos concurrents, et les États-Unis restent attachés à l’article 5 du Traité de Washington ».5 La Nouvelle Stratégie de Défense Nationale (NDS) du Pentagone du février 2018 a souligné « l’importance stratégique et la valeur de l’OTAN pour faire face aux principales menaces qui pèsent sur les États-Unis ».6 L’administration de Trump avait continué à souligner l’importance de l’UE et de la relation d’alliance américano-européenne tout en citant la Russie, la Chine et l’Iran comme les principaux adversaires stratégiques des États-Unis dans la nouvelle ère.7
II. Perspectives et anticipations de l’Europe pour les relations américano-européennes pendant le mandat de Biden
1. « Ils ont un nouveau président, mais pas un nouveau pays »
La plupart des Européens sont satisfaits du successeur de Joe Biden à Donald Trump, mais ne pensent pas que le premier puisse conduire les États-Unis à un retour.
Un « sondage paneuropéen » Datapraxis/YouGov commandé par le Conseil Européen des Relations étrangères (ECFR) fin 2020, basé sur 15 000 personnes dans 11 pays européens (Royaume-Uni, Suède, Portugal, Pologne, Pays-Bas, Italie, Hongrie, France, Espagne, Danemark, Allemagne), a indiqué que 53% des personnes interrogées pensaient que « l’élection de Biden a un effet positif sur l’Europe » et 57% ont estimé que « c’est bon pour l’UE ».
Pendant ce temps, seulement 27% n’étaient pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle « les États-Unis’ d’aujourd’hui ’ne sont pas dignes de la confiance de l’Europe ». Seulement 32 % pensaient que « le Trumpisme ne ressusciterait pas aux États-Unis ». En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle « les États-Unis’ d’aujourd’hui ne sont’ plus dignes de confiance », la proportion de partisans était plus importante que celle d’opposants dans 9 pays sur 11 avec le pourcentage le plus élevé compté en Allemagne (53 %). Seules la Hongrie et la Pologne faisaient exception.
Jusqu’à 61 % des personnes interrogées ont estimé que le système politique américain était « complètement ou partiellement brisé » (25 % + 36 %), avec le pourcentage le plus élevé au Royaume-Uni (39 % + 42 %), Danemark (19 % + 52 %) , Allemagne (34 % + 36 %) et Pays-Bas (27 % + 41 %). Les principaux pays d’Europe occidentale tels que l’Espagne (25 % + 42 %) et la France (27 % + 39 %) sont en tête de la liste, tandis que la Pologne (5 % + 19 %) et la Hongrie (7 % + 21 %) sont en bas de la liste, ce qui considèrent que le système politique américain « fonctionne bien ou relativement bien » (respectivement 48 % + 10 % et 46 % + 10 %).
Les pays « du nord » les plus riches de l’UE manquaient généralement de confiance envers les États-Unis. En revanche, les pays d’Europe de l’Est avaient toujours une meilleure perception et des attentes plus élevées envers les États-Unis.
51% des personnes interrogées pensaient que les États-Unis sous Biden auraient du mal à réparer les divisions internes et n’assumeraient pas une plus grande responsabilité pour la question de la sécurité européenne.
2. « La fissure ne guérira pas si facilement »
« L’impact de l’administration Trump sur l’UE, qui ne peut être sous-estimé, a rendu l’UE plus prudente face aux demandes des États-Unis ».8
Bien qu’il utilise délibérément des mots et des tons diamétralement opposés à ceux de Trump, Biden essaie de faire une chose presque impossible, c’est-à-dire qu’il est impatient de réparer les relations américano-européennes endommagées par la cupidité de Trump pour les avantages, mais hésite à abandonner les avantages que Trump a pris en endommageant les relations américano-européennes. La politique de Biden est simplement « une extension déguisée de celle de Trump. »8
3. Les priorités de l’Europe pour les relations américano-européennes pendant le mandat de Biden
La priorité absolue est la résolution des différends tarifaires et commerciaux entre les États-Unis et l’Europe ainsi que la question du taux d’imposition des sociétés le plus bas au monde, suivi des dépenses militaires, de la coopération militaire et des mécanismes de sécurité collective, de la neutralité carbone, de la manière de réguler les géants technologiques mondiaux et les sociétés de médias sociaux, comment réformer les grandes institutions multilatérales telles que l’OMC et l’OMS, et comment mieux faire face aux « défis des concurrents ».9
4. Insatisfaction générale de l’Europe vis-à-vis de la politique vaccinale américaine et du processus du retrait afghan
Dans le premier cas, seule la Grande-Bretagne, qui est déjà sortie de l’UE, n’a pas encore exprimé de mécontentement évident, tandis que dans le second cas, même Boris Johnson le Premier ministre britannique et Ben Wallace le secrétaire à la Défense ont publiquement exprimé leurs critiques.
5. Pour tout cela, les Européens espèrent toujours trouver un « point de basculement occidental commun »
Les Européens espèrent qu’un « consensus transatlantique ou occidental » pourra être trouvé avant de négocier avec d’autres pays. Avec une position commune, ils peuvent conclure des accords multilatéraux plus larges.10
6. « Il n’y aura pas de retour dans le passé »
De hauts responsables gouvernementaux en France et en Allemagne ont successivement déclaré que « la chose la plus importante pour les Européens est que nous ne voudrions pas que l’avenir de l’Europe soit décidé par les Américains. »11
7. Cinq conflits incontournables entre les États-Unis et l’Europe
-- La volonté multipartite des États-Unis de réduire leurs obligations de défense vis-à-vis de l’Europe par rapport à la volonté générale des pays européens de maintenir de faibles niveaux de dépenses de défense ;
-- Le désir bipartite des États-Unis d’une « coordination politique stricte contre la Chine sur la base de valeurs partagées » par rapport au désir de la grande majorité des principaux gouvernements européens de rester indépendants et autonomes envers la Chine pour garantir leurs intérêts économiques et commerciaux avec la Chine.
-- Le désir bipartite des États-Unis d’un « changement de pivot stratégique vers l’Indo-Pacifique » par rapport au désir de l’UE de poursuivre la relation transatlantique comme objectif diplomatique stratégique.
-- Les États-Unis ont continué à mettre l’accent sur « assurer le leadership mondial américain pour toujours » par rapport au désir des pays européens de voir un monde multipolaire.
-- L’ascension et la chute de Trump ont conduit à la refonte à deux reprises des politiques et stratégies étrangères des États-Unis. Cela fait que l’Europe commence à douter de la durabilité des stratégies et politiques transatlantiques américaines et du fait qu’elles seront perturbées par la politique électorale du pays à l’avenir.
III. L’intégration européenne pendant le mandat de Biden
1. Les sondages montrent que la confiance des Européens dans l’intégration européenne a augmenté au cours des deux dernières années
Les sondages ECFR montrent que du janvier 2019 au janvier 2021, la perception de l’UE s’est légèrement améliorée dans tous les grands pays européens, à l’exception de la Hongrie, des Pays-Bas et de l’Espagne (les attitudes positives passant de 46% à 48% et les négatives passant de 45% à 43 %).
En termes de relations transatlantiques et de paysage politique international, les Européens peuvent être classés en quatre groupes : Groupe A « In America We Trust » qui pense que les États-Unis sont en plein essor, tandis que l’Europe est en déclin ; Groupe B « In the West We Trust » qui considère que « les États-Unis et l’Europe sont aussi proches qu’une seule famille et avanceront ensemble » ; Groupe C « In Decline We Trust » qui pense que l’Europe et les États-Unis sont tous deux en déclin et que d’autres forces sont en hausse ; et Groupe D « In Europe We Trust » qui soutiennent que l’Europe n’a pas à dépendre des États-Unis.
La proportion du groupe A diminue de plus en plus (9 %) avec les pourcentages les plus élevés en Italie (22 %), en Pologne (12 %) et en France (12 %). Ils fondent leur jugement sur l’hypothèse que « les États-Unis ont plus d’influence mondiale que l’Europe et détiennent les rênes d’un certain nombre de règles du jeu, et que leurs problèmes actuels ne sont que temporaires ».
Le groupe B en occupe 20 % dont plus de la moitié commencent à remettre en cause la baisse de puissance des États-Unis et de l’Europe (53 % d’entre eux estiment que la Chine devrait dépasser les États-Unis d’ici une décennie), mais croient toujours au « supériorité du système occidental ». Ce groupe appartient à l’épine dorsale de la tranche d’âge dans les pays européens (58% de moins de 50 ans).
Le groupe C représente 29 % dont 68 % pensent que la Chine dépassera les États-Unis au cours de la prochaine décennie, la France (43 %), le Royaume-Uni (42 %), l’Espagne (38 %) et l’Italie (36 %) possédant les pourcentages les plus élevés, et même jusqu’à 32% d’entre eux s’attendent à ce que la Russie dépasse les États-Unis dans les 10 prochaines années. Ce groupe a généralement une structure d’âge plus élevée (53 % de plus de 50 ans).
Le groupe D, caractérisé par une richesse généralement plus élevée et des niveaux d’éducation supérieurs, occupe la part la plus élevée (35 %), le Danemark (60 %), l’Allemagne (53 %), la Suède (51 %) et les Pays-Bas (50 %) ayant le pourcentage le plus élevé.12
2. L’Europe souhaite devenir un acteur mondial sur des questions plus importantes grâce à une intégration plus forte
L’Europe estime généralement qu’elle a « gagné en dominance dans le discours » sur le changement climatique en raison de la régression des États-Unis sous la présidence Trump, et espère répliquer sur des questions telles que la « taxe numérique » et le taux d’imposition forfaitaire mondial.
3. La plus grande résistance à l’intégration européenne vient au sein de l’UE
Alors que les deux piliers de l’UE - la France et l’Allemagne - s’affrontent dans des intérêts stratégiques, le président français Emmanuel Macron est impatient de prendre la tête du discours de l’UE après la retraite de Merkel, à propos de laquelle la politique allemande est très sceptique. Beaucoup en Allemagne soupçonnent que la politique européenne de la France est « basée sur l’anti-américanisme ». Pendant ce temps, le cercle politique français s’inquiète de l’incertitude de la politique allemande post-Merkel. »13
Les pays européens sont généralement mécontents de l’inefficacité du mécanisme de l’UE à répondre aux diverses crises, mais ne sont pas disposés à sacrifier la souveraineté des États membres en échange de l’amélioration de l’efficacité administrative de l’UE.
4. « On n’est jamais si bien servi que par soi-même »’
Les sondages ECFR 2021 montrent que sept pays, dont la France, le Danemark, les Pays-Bas, le Portugal, la Hongrie, l’Espagne et l’Allemagne, n’ont pas choisi les États-Unis comme « partenaire international le plus important pour établir de bonnes relations internationales » (la majorité des répondants allemands ont choisi la France, tandis que la majorité des personnes interrogées dans les six autres pays ont choisi l’Allemagne). La Suède a obtenu une part égale. Le Royaume-Uni, la Pologne, l’Italie et la Suède sont les quatre seuls pays à avoir choisi les États-Unis, le Royaume-Uni se classant au premier rang en pourcentage (55 %), possédant la stratégie cohérente du pays d’« alliance avec les États-Unis pour contenir l’UE ». Le Royaume-Uni et la Pologne sont les deux seuls pays européens où plus de la moitié des personnes interrogées ont choisi les États-Unis.
IV. Interactions entre la Chine et l’UE et changements dans les relations bilatérales pendant le mandat de Biden
1. Changements dans les sondages ECFR
Dans les sondages ECFR 2019, 14 pays européens ont été interrogés (Pologne, Danemark, Italie, République tchèque, France, Espagne, Roumanie, Suède, Pays-Bas, Hongrie, Allemagne, Slovaquie, Grèce et Autriche). A la question « De quel côté l’Europe devrait-elle prendre à l’avenir en cas de confrontation entre la Chine et les États-Unis », l’écrasante majorité des personnes interrogées a choisi « impartial », avec le pourcentage le plus élevé 83 % (Autriche) et le plus faible 54 % (Pologne). Le pourcentage le plus élevé de ceux qui ont choisi « se ranger du côté des États-Unis » n’était que de 24 % (Pologne) et le plus faible était à peine de 4 % (Autriche). Le pourcentage le plus élevé de ceux qui ont choisi « se ranger du côté de la Chine » était de 8 % (Slovaquie) et le plus faible de 4 % (Suède). Parmi les 14 pays, 12 avaient une proportion plus élevée de choix des États-Unis que la Chine, qui étaient la Pologne, le Danemark, l’Italie, la République tchèque, l’Espagne, la Roumanie, la Suède, les Pays-Bas, la Hongrie et la Grèce, la différence la plus spectaculaire étant de 18 points de pourcentage (Pologne) et le plus bas seulement 1 point de pourcentage (Grèce). Le seul pays avec un pourcentage plus élevé de soutien à la Chine que les États-Unis était l’Autriche, avec une différence de deux points de pourcentage, tandis que la Slovaquie a un pourcentage égal pour les deux, à 8%.
Aucun de ces 14 pays n’estimait que « l’Europe est bien préparée pour se défendre contre la concurrence commerciale chinoise » (le pourcentage le plus élevé de partisans de ce point de vue était de 18 % en Autriche et le plus faible de 4 % en France).14
Les sondages ECFR 2021 montrent que « la transition politique à Washington ne semble pas avoir fondamentalement changé le point de vue des répondants sur les alliances géopolitiques ». Lorsqu’on leur a posé la même question dans les 11 pays interrogés, 60 % des personnes interrogées ont répondu « L’Europe devrait être impartiale », 22 % ont soutenu « se ranger du côté des États-Unis » et 6 % « se ranger du côté de la Chine ». Par pays, le pourcentage le plus élevé de répondants ayant choisi « impartial » était de 68 % (Hongrie), et le plus faible de 50 % (Pologne, Danemark). Le pourcentage le plus élevé de répondants qui ont répondu « se ranger du côté des États-Unis » était au Danemark (35%) et le plus bas en Hongrie (13%). Le pourcentage le plus élevé de personnes interrogées favorables à « se ranger du côté de la Chine » se trouvait aux Pays-Bas (10 %) et le plus faible au Royaume-Uni (2 %).
Une analyse de ces deux sondages ECFR suggère que’ les objectifs à long terme de l’UE et des États-Unis sont différents bien qu’ils affichent une position ferme envers la Chine,: les États-Unis visent à « contenir la Chine » et à « découpler la Chine », tandis que l’Europe continue à vouloir « ramener la Chine à un système fondé sur des règles ».
La raison sous-jacente de cette tendance est que l’Europe a « longtemps été habituée à se tenir du côté des gagnants », c’est pourquoi elle s’est rangée du côté des États-Unis dans la « Guerre froide 1.0 », mais de nombreux Européens craignent qu’une fois la « Guerre froide 2.0 » rompue dehors, les États-Unis ne pourraient pas être gagnants.
2. Désapprobation d’ « America First »
La plupart des analystes européens pensent que Biden n’a pas restauré le positionnement stratégique mondial des États-Unis à celui de Bill Clinton et de Barack Obama qui pensent que « les États-Unis, qui ne sont plus la seule superpuissance au monde, devraient chercher à maintenir leur leadership mondial grâce à une intégration proactive dans un monde diversifié et globalisé ». Mais malheureusement, Joe Biden a pratiquement soutenu la doctrine « America First » de Trump et a même intensifié l’agressivité de Trump dans l’idéologie. L’Europe désapprouve globalement cette logique de facto « America First ». Ce que l’Europe veut, c’est « une sorte de relation avec les États-Unis fondée sur la « courtoisie et la civilité » ».15
3. Points de vue européens sur les différents cadres de coopération entre la Chine et l’UE
-- Les négociations de l’ALE entre la Chine et l’Europe sont « mal à propos ». Même si le processus de négociation parvient à démarrer, il est peu probable qu’il donne des résultats positifs dans un court laps de temps.
-- Malgré le malaise général suscité par les contre-mesures de mars 2020 de la Chine aux « sanctions de l’UE en matière de droits de l’homme », Bruxelles et les gouvernements de l’UE, dans l’ensemble, ne partagent pas l’avis du Parlement européen selon lequel « le CAI ne sera jamais approuvé à moins que la Chine ne réponde aux exigences européennes en matière de droits de l’homme », Merkel, Macron et même ’Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, ont clairement indiqué qu’ils ne voulaient pas d’un retour à la « nouvelle guerre froide ».16
-- Le CAI sera finalement ratifié parce qu’il est soutenu par Bruxelles et la plupart des gouvernements membres de l’UE. En outre, l’objectif principal de l’accord est de réglementer les investissements chinois en Europe et de sécuriser les intérêts d’investissement de l’UE en Chine. Mais le climat actuel rend difficile le démarrage immédiat du processus.
-- L’opinion européenne dominante est que la stratégie de connectivité UE-Asie devrait continuer à être administrée et que des efforts devraient être faits pour la soumettre à des « règles européennes contrôlables et acceptables ». Dans ce cas, tant le CAI que l’initiative « la Ceinture et la Route » doivent être considérées avec une attitude positive et prudente, plutôt qu’avec l’approche de coupure, d’exclusion et d’isolement de la Chine préconisée par les États-Unis.
-- Étant donné que le « modèle du développement chinois » n’est pas attrayant pour l’UE, les décideurs politiques de l’UE sont déchirés par la question de savoir si le nouvel agrément commercial Chine-UE signifie « une vitrine classique de l’autonomie et de la force européennes » ou s’il ait « tombé dans le piège du stratagème chinois à s’aliéner l’Europe et les États-Unis »17
-- Les pays européens n’ont pas encore défini une ligne directrice claire sur la façon d’évaluer « l’influence chinoise » sur sa défense, ce qui se manifeste non seulement par sa précipitation inquiétante à participer à des opérations militaires conjointes parrainées par les États-Unis telles que « la libre navigation dans la Mer de Chine méridionale » qui pourrait provoquer la colère de la Chine, mais aussi par la crainte sur les intérêts sécuritaires transatlantiques compromis de l’Europe par un changement d’orientation stratégique des États-Unis.
-- Il est à noter que les termes officiels de l’UE pour sa relation avec la Chine ont changé : « partenariat mûrissant » en 2003, « partenaire dans une relation changeante » en 2006, « relation de bénéfice réciproque » en 2016 qui était « basée sur un programme de partenariat positif couplé à une gestion constructive des différences », « un concurrent stratégique pour l’UE tout en ne parvenant pas à rendre l’accès au marché réciproque et à maintenir des règles du jeu équitables » en 2019.18
-- Il manque un mécanisme « G3 » entre l’Europe, les États-Unis et la Chine. Le dialogue États-Unis-UE sur la Chine depuis son lancement en octobre 2020 a été dénoncé par la Chine, et une vive controverse a émergé en Europe sur les documents de consensus issus de ce dialogue. La prescription voir « pour l’UE, la Chine est un partenaire de négociation pour la coopération, un concurrent économique et un rival systémique »19 20 est perçue comme intriquée et contradictoire.
-- Laracine de l’intrication européenne réside dans le contexte changeant du dialogue Europe-Chine sous l’influence des quatre facteurs comme suit : a) plus de primauté économique transférée vers la Chine depuis la crise économique mondiale de 2008 qui a rendu la Chine plus confiante en soi et l’Europe plus faible dans les échanges internationaux ; b) l’élargissement de l’UE, qui l’a rendue plus complexe en interne et ses mécanismes d’origine moins efficaces ; c) le Brexit et la montée du scepticisme à l’égard de l’intégration européenne, qui ont dilué la force européenne et changé la mentalité des décideurs européens ; d) la politique « America First » de Trump, qui a jeté l’Europe dans le dilemme d‘« être obligé de choisir entre la Chine et les États-Unis » alors que l’Europe n’est pas entièrement préparée à cela. 21
-- L’Europe a longtemps cru à l’universalité des « valeurs européennes » et à l’attractivité du « modèle européen ». Par conséquent, ils sont convaincus que « grâce aux dialogues et à la coopération économique et commerciale, la Chine sera poussée à changer dans la direction souhaitée par l’Europe ». C’est pourquoi -lorsqu’il est devenu de plus en plus clair ces dernières années que ce n’était pas le cas- l’Europe a réagi avec une indignation que la Chine a eu du mal à comprendre. Cependant, l’épidémie de COVID-19 a également fait comprendre à l’Europe que dans des domaines tels que la santé publique et l’environnement, « il n’y a pas d’autre alternative que de poursuivre la coopération avec la Chine », « l’économie chinoise renouera avec une croissance de plus de 2,5% d’ici fin 2021 malgré l’épidémie, alors que l’Europe risque d’entrer en récession » (comme le prévoit le FMI) et qu’« il n’y a pas de meilleur moyen pour l’Europe que de chercher une coopération pragmatique avec la Chine ». Cela est particulièrement vrai lorsque la Chine a introduit le concept de « double cycle », ce qui peut entraîner une dure réalité que la Chine devient plus importante pour l’UE tandis que l’UE est plus légère pour la Chine. » 22
V. Problèmes et défis auxquels sont confrontées les relations Chine-UE dans la nouvelle ère
1. « Le développement de la Chine a sapé l’hypothèse clé de la politique chinoise de l’UE »
La politique traditionnelle de l’UE envers la Chine repose sur l’hypothèse clé que « malgré les différences politiques et de valeurs drastiques, l’UE dispose des matériels tel que la technologie, le capital, l’équipement et les talents, et des logiciels tels que les institutions, les systèmes, les réglementations, les normes et les expérience suffisamment attrayants pour la Chine, et que l’engagement avec la Chine est propice à l’aider à se diriger d’une manière meilleure et plus rapide vers la direction souhaitée par l’Europe’, et ce type d’engagement et de coopération est donc justifiable ». En outre, un bon nombre d’Européens ont le soi-disant « complexe de supériorité humaniste », considérant que « comme la Chine est pauvre et arriérée, l’Europe, en tant que partie avancée, a l’obligation charitable d’aider les retardataires ».23
Cet état d’esprit s’est reflété dans le document programmatique de 2006 de la Commission européenne au Conseil européen, intitulé « UE-Chine : des partenaires plus proches, des responsabilités croissantes ». La déclaration était claire que « l’UE devrait continuer à faciliter les réformes politiques et économiques internes de la Chine, soutenir une Chine forte et stable qui respecte pleinement les droits et libertés fondamentaux, protège les minorités, préserve l’état de droit. L’UE renforcera sa coopération pour assurer un développement durable, mener une politique commerciale juste et solide, et œuvrer à la consolidation et à l’équilibre des relations bilatérales. L’UE et la Chine devraient travailler ensemble pour soutenir la paix et la stabilité. L’UE devrait renforcer la coordination et l’action commune. »24
2. La Chine a déjà appliqué un « traitement différencié » à l’UE
-- La stratégie de la Chine consistant à « cacher ses capacités et à attendre son heure » avait convaincu l’Europe que la Chine était « au moins disposée à écouter les voix de l’Europe ».
-- L’Europe était plus disposée à fournir à la Chine les technologies clés dont elle avait désespérément besoin, mais les États-Unis ont imposé de lourdes restrictions, ce qui a encouragé le traitement différencié de la Chine envers l’Europe.
-- L’Europe a longtemps été plus tolérante et ouverte aux investissements chinois, aux fusions et acquisitions et à la participation aux infrastructures.
-- L’insuffisance des mécanismes de coordination au sein de l’UE et les disparités évidentes dans les politiques des différents pays européens ont permis à la Chine de maintenir pendant un certain temps sa confiance dans le « traitement différencié ».
3. Modifications pendant le mandat de Trump
-- La tendance à « parler d’une seule voix à la Chine » s’est accentuée avec la présence accrue du Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE)25, notamment avec la convergence des positions de plusieurs grandes puissances. Dans ce cas, il devient plus difficile pour la Chine d’étendre son influence en exploitant les « différences politiques intra-européennes ».
-- Les politiques isolationnistes, égoïstes et protectionnistes de Trump ont forcé l’Europe à « choisir son camp », c’est-à-dire à « se tenir aux côtés des États-Unis pour la sécurité, ou de la Chine pour des gains économiques plus importants ». Les droits de douane supplémentaires sur l’acier et l’aluminium imposés par les États-Unis à partir du février 2018 semblaient laisser entrevoir à la Chine une possible percée par le biais du « traitement différencié » vis-à-vis de l’Europe. La manifestation la plus importante en a été l’expression dans la déclaration conjointe du sommet Chine-UE à Pékin en juillet 2018. « Nous sommes résolument engagés à construire une économie mondiale ouverte, à promouvoir la libéralisation et la facilitation du commerce et des investissements, à résister au protectionnisme et à l’unilatéralisme, et pousser la mondialisation vers une direction plus ouverte, équilibrée, inclusive et gagnant-gagnant ».26 Cependant, avec le « package deal » conclu entre Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne et Trump le même mois, l’UE est rapidement tombée aux mains des côté américain dans la guerre commerciale.27
4. Les différences entre les principales politiques chinoises et européennes deviennent explicites
L’Europe estime qu’il existe quatre principes clés de la politique officielle de la Chine envers l’Europe :
Maintenir le respect mutuel, l’égalité et le principe d’une seule Chine pour cimenter le fondement politique le plus important des relations Chine-UE. Maintenir l’ouverture, l’inclusivité et la coopération gagnant-gagnant, et renforcer les échanges sur la philosophie du développement et la coordination des plans du développement. Respecter l’équité et la justice, rester solidaires dans les moments difficiles et améliorer main dans la main le système de gouvernance mondial. Maintenir le dialogue entre les civilisations, maintenir l’harmonie dans la diversité pour faciliter l’apprentissage mutuel entre les civilisations chinoise et européenne. 28
Les politiques de l’UE envers la Chine impliquent trois objectifs : premièrement, sur la base d’intérêts et de principes clairement définis, l’UE devrait approfondir son engagement avec la Chine pour promouvoir des intérêts communs au niveau mondial ; deuxièmement, l’UE devrait rechercher résolument des conditions plus équilibrées et réciproques régissant les relations économiques ; troisièmement, afin de maintenir sa prospérité, ses valeurs et son modèle social à long terme, il existe des domaines dans lesquels l’UE elle-même doit s’adapter à l’évolution des réalités économiques et renforcer ses propres politiques nationales et sa base industrielle. 29 Pour atteindre les « trois objectifs », un plan concret est proposé (coopérer avec la Chine pour soutenir un multilatéralisme efficace et lutter contre le changement climatique ; travailler pour la paix et la sécurité internationale ainsi que le développement économique durable ; parvenir à des relations commerciales et d’investissement plus équilibrées et mutuellement avantageuses ; renforcer la compétitivité de l’UE et garantir des conditions de concurrence équitables ; et renforcer la sécurité des infrastructures critiques et de la base technologique).
En comparaison, les principes de la Chine sont plus définis et conceptualisés, avec un ton positif, et adaptés pour ajouter différents détails et interprétations à différents moments, tandis que les principes européens sont en fait plus spécifiques et utilitaires, avec deux « objectifs d’intérêt personnel » : « la compétitivité et la sécurité des infrastructures ». Tant que les relations économiques et commerciales entre la Chine et l’UE se développaient sans heurts et que le « volume » de la Chine n’avait pas encore suscité d’inquiétudes européennes et que la Chine maintenait suffisamment « d’humilité », le point de vue européen dominant serait que « le développement des relations UE-Chine est bénéfique ou du moins plus bénéfique que néfaste pour que l’Europe remplisse ses trois objectifs principaux. »
Mais la politique de Trump avait réduit l’espace de flexibilité dans la politique européenne envers la Chine. Entre-temps, depuis 2010-2020, le volume des échanges entre la Chine et l’UE est passé d’environ 350 milliards d’euros à 560 milliards d’euros. L’excédent commercial de la Chine avec l’Europe était resté de l’ordre de 100 milliards d’euros. Les investissements directs de la Chine en Europe avaient culminé et chuté depuis 2015 de manière significative, tandis que les investissements directs de l’Europe en Chine étaient en « stagnation » depuis longtemps. 30 31
C’est frustrant pour de nombreux analystes et décideurs politiques en Europe, car cela signifie que la Chine, au lieu d’un partenaire d’investissement idéal, est un « partenaire commercial colossal mais déséquilibré ». Pendant ce temps, pour que l’Europe mette en œuvre une coopération commerciale et technologique et une ouverture mutuelle avec la Chine, il existe un autre argument important, à savoir que la Chine peut devenir un grand partenaire dans la recherche et la connaissance, complétant l’Europe dans des domaines tels que l’intelligence artificielle et la santé publique. ’Néanmoins, cet argument devient aujourd’hui « de moins en moins attrayant et convaincant » en raison du resserrement de l’espace politique américain et de la montée en puissance de la compétitivité chinoise ainsi que des changements dans la politique d’investissement domestique de la Chine.
5. La nouvelle situation de l’alignement des politiques européenne et américaine vis-à-vis de la Chine sous le mandat de Biden
-- L’UE n’est pas d’accord avec le « consensus fébrile et exagéré » des États-Unis selon lequel la plus grande économie du monde est sur le point d’être dépassée par la deuxième plus grande économie, donc ni Trump ni Biden ne peuvent vraiment convaincre l’UE d‘accompagner les États-Unis
-- La diminution progressive de la confiance au sein de l’Europe dans « l’hypothèse » susmentionnée que la Chine était disposée à changer conformément aux souhaits européens et que le maintien de la coopération et de l’engagement avec la Chine aiderait à faciliter ce changement a incité l’Europe à prendre des mesures plus fréquentes et plus agressives envers la Chine dans les « trois nouveaux aspects » (opinion publique, droits de l’homme et valeurs), qui ne peuvent pas être simplement interprétés comme « des pressions des États-Unis ».
-- Contrairement à Trump, l’administration Biden et les démocrates, plus férus de « diplomatie idéologique », continuent de renforcer les interactions internationales avec la Chine sur la base des soi-disant « valeurs partagées », l’Europe étant l’une de leurs priorités. Cela se traduit inévitablement par le fait que les politiques européennes et américaines alignées envers la Chine pointeront plus directement vers « les valeurs » et « l’idéologie », montrant une particularité de « subir des dommages relativement limités, mais plus durs et plus insultants ».
-- « Il y a peu de preuves que la Chine se soucie du ton de la condamnation européenne », ce qui pourrait inciter l’Europe, en particulier le Parlement européen à Strasbourg et les législatures nationales, à « crier » d’un ton plus haut à la Chine dans un court laps de temps.
6. Des problèmes tels que l’épidémie de COVID-19 et le changement climatique font comprendre à l’Europe qu’elle n’a d’autre choix que de coopérer avec la Chine
Premièrement, « les épidémies ne connaissent pas de frontières »; deuxièmement, la pandémie et son impact sur l’économie européenne sont plus importants que sur celle de la Chine; troisièmement, le « double cycle » introduit en Chine a accru le sentiment de crise en Europe. « L’UE peut bien sûr défendre ses valeurs, mais l’épidémie rend cette option redoutablement coûteuse. »32
VI. Tendances de la politique européenne de la France
1. Changements dans le schéma interne de l’UE dans le contexte du Brexit, du départ à la retraite de Merkel et de la prise de pouvoir de Biden
La sortie de la Grande-Bretagne de l’UE prive les États-Unis d’un pivot clé pour contrôler la stratégie et la politique de l’UE. L’essentiel de la politique américaine consiste à coincer l’Allemagne, même disposée à faire des compromis si nécessaire (par exemple, en modérant sa position intransigeante sur le projet de gazoduc Russie-Allemagne Nord Stream-2), ’à renforcer le nouveau pro-américain bloc au sein de l’UE tout en profitant de la « russophobie » des pays de l’Europe centrale et orientale, et à persuader les pays de l’UE et de l’OTAN de synchroniser leurs politiques avec celles des États-Unis en utilisant le slogan « valeurs communes ».
La retraite de Merkel entraînera une grande incertitude politique en Allemagne, l’un des deux piliers de l’UE. Cela implique que la diplomatie et la stratégie de l’Allemagne envers la Chine, qui ont été caractérisées par le pragmatisme, la prudence et la concentration sur les intérêts économiques au cours des 20 dernières années, pourraient subir des changements importants. Une série d’incertitudes pourrait survenir, et la voix de la « diplomatie des droits de l’homme » sera considérablement amplifiée.
Traditionnellement, l’Allemagne a poussé à la « concrétisation de l’UE » et à la promotion de l’efficacité de la prise de décision de l’UE. Ces réformes, qui sont considérées comme plus bénéfiques pour l’économie concrète de l’UE et pour l’Allemagne, le plus grand exportateur, plutôt que pour les petits pays, ont ainsi évoqué la réponse négative de ce dernier à l’intégration de l’UE. Le départ à la retraite de Merkel réduira la résistance à l’intégration européenne d’une part, mais pourrait, d’autre part, réduire à néant les efforts de Bruxelles pour améliorer l’efficacité administrative des institutions européennes.
2. Comment le gouvernement Macron réagirait-il à un tel changement ?
-- Macron est plus actif et enthousiaste sur l’UE et les questions européennes que son prédécesseur François Hollande.
-- Le Brexit étoufferait les voix au sein de l’UE qui prônent une économie libre et augmenterait celles qui appellent à un plus grand protectionnisme et à une politique industrielle plus active. Macron favorise ce dernier.
-- Étant donné que la France assurera la présidence de l’UE en 2022 et que les élections françaises sont prévues pour avril 2022, Macron est tenu d’utiliser autant que possible sa présidence de l’UE à faire campagne pour lui-même qui peut choisir la taxe numérique ou la taxe sur les services numériques comme entrée pour aider la France à gagner en influence en Europe et dans le monde en fixant des normes mondiales pour les grandes entreprises technologiques, renforçant ainsi son propre soutien dans son pays. Si cette entrée est jugée trop risquée, il peut se tourner vers les questions environnementales.
-- Ces dernières années, l’« élément français » s’est considérablement renforcé dans le cadre européen puisque trois figures clés de la politique et de la prise de décision de l’UE sont toutes françaises: Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne; Thierry Breton, commissaire européen aux marchés; Olivier Guersent, directeur général de la direction générale de la concurrence de la Commission Européenne. Trois autres chiffres de poids encore plus lourds -- Ursula von der Leyen (Allemande), présidente de la Commission Européenne, Charles Michel (Belge), président du Conseil Européen, et Josep Borrell Fontelles (Catalan d’Espagne), commissaire européen aux Affaires étrangères, sont largement reconnus comme étant plus proches de la position française en matière de politique européenne que de celle de leur propre patrie, bien qu’aucun d’entre eux ne soit français.
-- Macron a un jour présenté son plaidoyer européen en tant qu’« autonomie stratégique »33. Et les gouvernements français et allemand ont également lancé une stratégie de « priorisation de la formation de champions européens », cherchant à renforcer la compétitivité européenne en libéralisant la fusion des géants industriels au sein de l’UE, et à consolider le pouvoir de décision et de discours français ou franco-allemand dans l’UE34.
-- Macron s’est efforcé de gagner plus de leadership pour la France dans l’arène de la politique étrangère de l’UE, en promouvant la création d’un nouveau « Fonds Européen pour la Paix » et en faisant pression pour que ce fonds soit prioritaire pour les projets et l’intérêt de la France.
-- Macron a critiqué le mécanisme de l’UE comme « lente et trop bureaucratique », affirmant « au cœur de la présidence française la volonté de réformer nos institutions pour les rendre plus efficaces et plus rapides ».
-- Macron soutient que la présidence de l’UE tourne tous les six mois, ce qui est si rapide que « l’influence de l’État présidentiel sur la politique et la réforme institutionnelle de l’UE est assez limitée ». 36
-- Malgré l’immense résistance et l’obstacle, Charles Grant, directeur du Centre pour la Réforme Européenne (CER), a cité un ancien haut fonctionnaire de l’Elysée anonyme disant que « l’audace et la confiance de Macron sont extraordinaires ».37
VII. La stratégie et la politique du gouvernement Macron et de la France vis-à-vis de la Chine, et les changements
1. « La Chine n’est pas un ennemi prioritaire »
En 2019, Macron a déclaré publiquement que l’OTAN était « en mort cérébrale »38. à la veille du sommet en Angleterre de l’OTAN du juin 2021 et en visant la tentative des États-Unis à « confondre l